Le carreau de la mine se trouve bientôt envahi par les proches en quête d’une quelconque information. On cherche en premier lieu à savoir à quel endroit exactement s’est produite la catastrophe : c’est un quartier de Six sillons qui a été touché, situé à 50 mètres en aval du niveau – 70, dans le secteur de la taille 31 qui allait être mise en exploitation. On en déduit vite le nombre de mineurs de fond potentiellement concernés, estimé à une quarantaine, dont le pronostic vital est engagé : au fond, l’explosion dégage une chaleur intense et consume tout l’oxygène disponible. Dans l’immédiat, il est cependant impossible de descendre porter secours aux éventuels survivants, en raison de la teneur en gaz encore présente dans l’atmosphère confinée de la mine (ce qu’un témoin résume d’un rapide « ça pue là-bas »).
Les mineurs employés sur les tailles voisines sont bien vite mobilisés pour les secours mais leur aide demeure limitée. Ils n’en sont pas moins assaillis par les épouses et les proches des mineurs absents : on donne un nom, on demande des détails, on espère encore que le père, le mari, le fils en a réchappé. Il leur faut aussi sacrifier aux exigences de la télévision qui réclame leur témoignage, même s’ils n’ont pas grand-chose de précis à dire.
Vient ensuite le temps des explications techniques : l’ingénieur, pressé par la forêt de micros, confirme qu’il s’agit d’un coup de poussière et que le bilan (42 morts) est bien lourd. Il s’agit, dit-il, d’un « accident » ou plutôt d’une « catastrophe ». Déjà à Liévin à la fosse 3 il y avait eu 9 morts en 1945, puis 10 dans un coup de grisou en 1957, et encore 21 à la fosse 7 en 1965. Mais là il s’agit bien de la plus importante depuis « Courrières ».
L’arrivée en voiture du juge Pascal, de permanence ce jour là à Béthune et donc chargé d’instruire l’affaire, annonce les suites judiciaires.
Le montage du reportage enfin amplifie la dimension tragique de l’événement : débutant par le passage d’une civière recouverte, rythmé par l’angoisse des présents dans le vent et les bruits de tôle, il se termine par l’annonce d’un décès et le silence d’une lampisterie.
Dans les heures qui vont suivent, le ministre de l’Industrie, Monsieur D’Ornano, se rend sur les lieux et annonce qu’une enquête sera diligentée. De son côté, Monsieur Cuvelette chef de production du siège 19, commence à mettre en doute le simple coup de poussière, le chantier étant à l’arrêt depuis quatre jours, seul un coup de grisou a pu enflammer le poussier. La thèse de la fatalité si longtemps invoquée dans les accidents et les catastrophes minières va vite être contestée. Le 28 décembre, Achille Blondeau, secrétaire général de la fédération CGT du sous-sol annonce un arrêt de travail en hommage aux victimes (il sera suivi dans toutes les Houillères de France) tout en souhaitant la prise de mesures pour que les conditions d’hygiène et de sécurité soient respectées (sous entendu même pour les fosses qui vont connaître une fermeture prochaine) ; au lendemain des funérailles, la CGT, et FO se porteront partie civile.
Le 31 décembre, lors de la cérémonie officielle des funérailles des victimes, le Premier ministre Jacques Chirac promet aux mineurs que « toute la lumière sera faite sur cette catastrophe, toutes les conséquences en seront tirées ».
Assez rapidement, des faits de négligence vont apparaître dans l’enquête qui mettra en cause l’absence de contrôle de grisoumétrie. Le coup de grisou sera confirmé par les expertises. La bataille juridique qui durera jusqu’en 1981 se soldera par la condamnation, pour la première fois, d’une entreprise publique.
Vidéos :
Textes extraits de :
Ressources
Type de catastrophe
Liste des témoignages
-
« Une chance comme celle là on n’en a pas deux dans sa vie »
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Ce vendredi là, Anna S n’a pas entendu sonner son réveil. C’est donc à jeun, en pestant un peu que son mari Stéphan s’est rendu à la fosse,...
-
Je suis devenu un "petit homme"
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Complètement sonnés, nous réussîmes au bout d'un certain temps à remonter tant bien que mal...
-
Je n'ai pas à me plaindre car trente ans après, même mal foutu, je suis encore là…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Je venais de me coucher quand de la radio qui fonctionnait en sourdine à côté j'entendis vaguement - j'étais déjà en train de sommeiller - l'ann...
-
Je n'ai rien oublié…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974D'un coup dans un bruit d'une puissance formidable, je fus projeté à terre par le souffle d'une explosion et je sentis voler en éclats juste au-des...
-
Trente ans après, j'ai encore la gorge serrée …
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974J'avais terminé mon travail sur ce secteur et m'apprêtais à remonter sur mon vélo quand dans un bruit terrible, pire qu'un coup de canon, je fus p...
-
La mine a causé bien des malheurs…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Vers lOhOO, ma patronne qui écoutait la radio m'avait dit "Savez vous Josiane qu'il y a eu une catastrophe dans une mine" puis une cliente était arr...
-
Je ne me suis jamais vraiment remise…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974"Mon mari avait comme un pressentiment, il n'avait rien dit mais je le sentais... Le 26 décembre, on avait rendu visite à toute la famille comme s'i...
-
mon père n'aurait pas aimé me voir comme ça !
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974"A l'époque, j'avais trois ans mais je garde quand même de vagues souvenirs de mon père : des choses qu'un enfant remarque. Je le revois heureux da...
-
Ça vous brise, ou ça vous rend fort ...
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974les grandes douleurs c'est comme ça, ou ça vous brise, ou ça vous rend fort ... tout au moins en apparence...
-
Cet énorme malheur qui a endeuillé notre ville…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Trente ans après, j'ai vraiment le sentiment que cette catastrophe était difficilement prévisible.
-
Trente ans après, je suis amer…
Rescapés catastrophe de Liévin | 27/12/1974Trente ans après, je suis amer : j'ai dû redescendre au fond quinze jours après.