Du 17 au 20 octobre derniers à Lourdes, s’est tenue la rencontre annuelle des formateurs Risques Majeurs et protection de l’environnement. Ce rendez-vous annuel organisé par l’IFFO-RMe avait cette fois-ci pour thème “La mémoire partagée des risques majeurs au service de la résilience sociétale”. C’est dans ce cadre que Serge Tisseron est intervenu afin de présenter les traumatismes induits par les catastrophes ainsi que les liens entre la mémoire collective et la résilience des populations.
Un traumatisme se traduit par l’irruption brutale de sensations, d’émotions et d’états du corps violents et inattendus. Pour faire face à l’urgence, ces contenus problématiques sont écartés de la conscience. C’est le mécanisme du clivage. Hélas, les manifestations émotionnelles et sensorielles qui ont accompagné le traumatisme sont revécues épisodiquement sans aucun recul. Le passé envahit alors le présent. Le traumatisme « suinte ». La victime en souffre et ses enfants peuvent y réagir par divers symptômes, à commencer par le ressenti de l’insécurité.
Seule la construction d’une mémoire narrative permet de dépasser cette fixation sur la mémoire émotionnelle et de se préparer à affronter d’éventuels traumatismes ultérieurs. Elle se fait à travers les échanges interpersonnels, familiaux et sociétaux, notamment à l’occasion des commémorations publiques mobilisant les émotions collectives. Les échanges par Internet y jouent aussi un grand rôle.
Ces travaux de construction d’une mémoire collective ont contribué à changer la représentation de la résilience, définie comme la capacité de surmonter un traumatisme et d’en faire l’occasion d’un nouveau départ. Après avoir été considérée comme une qualité personnelle entre 1960 et 1990, puis comme un processus entre 1990 et 2000, nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle approche : la résilience collective. Alors que la résilience individuelle implique d’informer chaque citoyen sur les risques et les façons de s’en protéger, la résilience collective implique d’évaluer les vulnérabilités, de s’assurer que les organisations ont la confiance des populations, de développer partout des partenariats et des projets mutualisés. Le concept passe du « moi » au «nous».
La connaissance du passé joue un rôle important. L’éducation aux risques majeurs passe par l’information préventive, mais aussi par le travail de mémoire, en famille et à l’école, à travers les images et les objets qui en rappellent le souvenir, comme les repères de crues.
La mémoire des catastrophes est un élément clé, non seulement de la résilience individuelle, mais aussi de la résilience collective pour les générations à venir. Le site memoiredescatastrophes.org participe à ce projet.