Avec le soutien du Ministère de l’Écologie,
du Développement Durable et de l’Énergie

Dans le cadre du partenariat entre l’IPGR et l’IHMEC, le Président du Conseil Scientifique et Technique de l’IPGR nous livre ses mots pour la mémoire collective des catastrophes… ou “la prévention pour la gestion des conflits” et l’évitement des catastrophes sociales.

Nous sommes le 24 février 1995. J’occupe des fonctions officielles dans le domaine la prévention et la gestion des risques à Marseille. Je suis avisé vers 4 h du matin d’un meurtre à caractère racial commis vers la fin de soirée à l’encontre d’un jeune Comorien de 18 ans qui rentrait avec une bande de copains d’une séance de répétition de leur groupe musical dans les quartiers nord de la Ville. Nous ignorions précisément  à cette heure les circonstances de l’évènement, on me parle de colleurs d’Affiches du Front National et dans le contexte de montée en puissance de l’extrémisme à l’approche de scrutins majeurs nous décidons immédiatement d’intervenir avant des troubles graves prévisibles et au moins un affrontement dans les rues de la ville.

Une séance de travail avec les policiers de l’équipe de prévention existante à l’époque se tient dans leurs locaux à 7h et la situation se précise les données, sont exactes. Le directeur de cabinet du maire de l’époque et moi-même décidons de nous rendre à la cité d’habitation de la famille après avoir obtenu de la part des policiers de l’unité de prévention l’assurance que nous serions reçus par les proches.

Nous arrivons sur les lieux vers 8h et grimpons les 4 étages qui conduisaient à l’appartement. Les escaliers étaient remplis de personnes de la communauté comorienne qui  manifestent une grande colère mais nous livrent cependant le passage ainsi qu’au fonctionnaire de l’unité de prévention. La situation était explosive et nous avions conscience que la moindre maladresse de notre part pouvait jeter le feu aux poudres

Sur le palier, les portes des deux appartements étaient ouvertes, l’un pour les prières des femmes et le second pour les hommes. Moment décisif le directeur de cabinet et moi-même demandons à rencontrer quelqu’un de la famille.

Quelques instants plus tard apparait un homme se présentant comme l’oncle du jeune X et nous lui formulons notre désir de nous mettre à disposition de la famille afin de faciliter leurs démarches en insistant sur l’aspect totalement apolitique de notre action. Nos regards se croisent nous ressentons fortement la pression qui règne et tout peut basculer !

Je pose la question: ” que peux-t-on faire pour vous?” Réponse : “la Justice!” Le dialogue s’engage, je l’assure de notre soutien vis à vis des autorités et je reste avec l’oncle afin de déterminer la suite à donner.

Leurs  demandes portent sur des points fondamentaux de  haute portée : Récupération de la dépouille à l’institut médico-légal afin de pouvoir prononcer les prières rituelles. Obtention d’une tombe et divers autres besoins matériels. Nous faisons accélérer les procédures et le soir même les prières rituelles peuvent être prononcées au dépositoire du centre hospitalier de la Timone.

Pendant ce temps la colère gronde en ville et une manifestation monstre de soutien s’organise spontanément le lendemain dans le centre de Marseille. Le maire de la ville, son directeur de cabinet et moi-même y participons, nous sommes au centre et la compassion dont nous avons su faire preuve, conduit la famille du jeune X à assurer notre protection personnelle en nous entourant dans le cortège. Des appels à la vengeance fusent mais finalement tout se passe sans heurt et sans qu’à priori les forces de l’ordre n’aient à intervenir.

Nous effectuons toutes les démarches et les obsèques ont lieu le lendemain au carré musulman,  grande bousculade autour de la fosse mortuaire et finalement les tensions s’apaisent, place est faite à la prière.

Il y avait une contre-manifestation prévue par ceux qui souhaitaient se dédouaner et se joindre au cortège. Elle fut interdite heureusement. Et tout rentra dans l’ordre par la suite et les auteurs des coups de feu furent lourdement condamnés!

En conclusion, nous aurions pu témoigner sur la gestion de nombreuses catastrophes naturelles ou sur des effondrements d’immeubles ayant causés de nombreuses victimes. Mais il nous est apparu plus important de pouvoir mettre en avant le rôle de la prévention dans la gestion des conflits. On peut dire au final que ce furent l’approche humaine, le respect mutuel qui conduisirent à ne pas avoir à affronter des mouvements de foule qui auraient pu se révéler désastreux.

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