Avec le soutien du Ministère de l’Écologie,
du Développement Durable et de l’Énergie

L’Institut pour l’Histoire et la Mémoire des Catastrophes (IHMEC) et l’Institut de Prévention et de Gestion des Risques (IPGR) ont lancé fin 2014 une newsletter intitulée “Mémo Infos”. Elle est entièrement dédiée à la mémoire des événements survenus sur le territoire français qui ont été perçus comme des catastrophes, que leur origine soit naturelle, sanitaire, technologique, économique, ou liée à des actes de terrorisme. Parce que la mémoire collective des catastrophes fait actuellement tragiquement défaut en France, et que chaque citoyen est en même temps un acteur de la sécurité civile, Mémos Infos vous invite à témoigner sur les événements que vous avez été malheureusement amenés à vivre, ceci afin de laisser une trace de votre propre expérience. Le deuxième numéro de cette newsletter est consacré aux grands incendies urbains, principalement dans les lieux ou établissements recevant du public. La liste des villes ou des monuments détruits lors de grands incendies dont le souvenir s’est perpétué au fil des siècles, est longue. Depuis la plus haute Antiquité, l’homme a été confronté au péril du feu. Homère raconte dans l’Iliade la destruction de la ville mythique de Troie dans un gigantesque incendie.

Le présent article se propose de revenir sur l’incendie du Bazar de la Charité à Paris en 1897 et de dresser une liste (non exhaustive) des principaux incendies en France depuis 1903.

L’incendie du Bazar de la Charité

Le 4 mai 1897, un incendie se déclenche au Bazar de la Charité, rue Jean-Goujon à Paris. Cette vente de charité se tient dans un vaste hangar en bois de 80 mètres de long sur 13 mètres de large où est reconstituée une rue du “Vieux Paris”. Dès le jour de son achèvement, des objections avaient été émises à cause du risque d’incendie. L’emplacement était borné d’un côté par les écuries de l’hôtel Rothschild, de l’autre par le magnifique Cours-la-Reine. Plus de mille deux cents personnes, issues de l’aristocratie, sont invitées et réunies autour des vingt-deux stands du Bazar de la Charité. C’est vers 16h qu’on entendit dans la baraque du cinématographe, organisée par les Frères Lumière, une violente détonation. La première personne qui remarqua le début d’incendie fut la Comtesse de Rochefort qui était accompagnée par sa fille. Le hangar qui était aménagé de décors en carton pâte et papier, surplombé d’un faux plafond en velum goudronné, prend feu. Il se propage instantanément. Le tissu qui surplombe le bazar emporte l’incendie partout. Un témoin dira : « Comme une véritable traînée de poudre dans un rugissement affolant, le feu embrasait le décor, courait le long des boiseries, dévorant sur son passage ce fouillis gracieux et fragile de tentures, de rubans et de dentelles. » (Jean Mitry, Histoire du cinéma. Art et industrie, Delarge,‎ 1967, p. 111). Les toilettes féminines de cette époque, qui comportaient beaucoup d’étoffe, prenaient feu très facilement et transformaient les malheureuses qui les portaient en torches vivantes. « On vit un spectacle inoubliable dans cet immense cadre de feu formé par l’ensemble du bazar, où tout brûle à la fois, boutiques, cloisons, planchers et façades, des hommes, des femmes, des enfants se tordent, poussant des hurlements de damnés, essayant en vain de trouver une issue, puis flambent à leur tour et retombent au monceau toujours grossissant de cadavres calcinés. » (Le Figaro du 5 mai 1897 sur www.gallica.bnf.fr).

Pour s’arracher à ce piège de flammes, de chaleur et de fumées, le public paniqué se bat devant les deux issues étroites donnant sur la rue. Quinze minutes après le début de l’incendie, l’édifice s’effondre déjà. La catastrophe coûte la vie à plus de cent vingt personnes, la plupart étant des femmes charitables issues de la haute société parisienne.

Cette tragédie est à l’origine des premières réglementations modernes de prévention contre le risque incendie dans les établissements recevant du public qui ne cessent d’être ajustées.

“La résilience fait sa mue”, par Serge Tisseron, Président fondateur de l’Institut pour l’Histoire et la Mémoire des Catastrophes (IHMEC)

On découvre aujourd’hui que les catastrophes affectent bien plus gravement et bien plus durablement les populations que ce que l’on imaginait jusque là, et cela même si elles paraissent « s’en sortir » et renouer avec leur vie d’avant le drame. En effet, il n’est pas rare que les manifestations émotionnelles et sensorielles qui ont accompagné un traumatisme soient revécues épisodiquement sans aucun recul. Le passé envahit le présent, le traumatisme « suinte ». La victime en souffre et ses enfants peuvent y réagir par divers symptômes, à commencer par un manque de confiance en eux-mêmes  et dans le monde.

L’idée de résilience a invité les chercheurs et les intervenants de terrain à s’intéresser à tout ce qui permet de réduire ces conséquences délétères des traumatismes. Hélas, elle a souvent fait l’objet de propos démagogiques qui la réduisaient à une qualité personnelle qui se manifesterait exclusivement à la suite d’un traumatisme. Mais aujourd’hui, une approche nouvelle s’impose : la résilience fait sa mue, elle passe des « moi » au «nous». Cette nouvelle approche de la résilience est moins individuelle et plus collaborative, et elle s’ouvre à la dimension de la prévention. Elle implique d’évaluer les vulnérabilités, de s’assurer que les organisations ont la confiance des populations, de développer partout des partenariats et des projets mutualisés.

La connaissance du passé y joue un rôle important. L’éducation aux risques majeurs passe par le travail de mémoire, en famille et à l’école, et à travers les images et les objets qui en rappellent le souvenir, qui sont autant de « témoins silencieux ». Mais l’évolution de la législation préventive en devient également un aspect essentiel : comme en témoignent, dans le domaine des incendies, l’interdiction des constructions en bois dans les centres urbains, ou la création du corps des Sapeurs pompiers par exemple.

Liste des grands incendies en France depuis le début du XXème siècle

Les incendies sont des événements dont les conséquences sont dommageables à plusieurs titres : le nombre de victimes qu’ils peuvent engendrer, les traumatismes individuels et familiaux qui peuvent avoir des conséquences sur plusieurs générations, les conséquences économiques et sociales, et enfin les pertes symboliques irrémédiables qu’ils peuvent provoquer, comme lorsqu’un patrimoine architectural et culturel est détruit ou endommagé de façon irréparable.

(Source : Wikipedia)

• 1914 (19 septembre) : incendie de la cathédrale de Reims, suite au bombardement systématique de la ville, qui va durer huit heures, par les Allemands depuis les hauteurs de Brimont, Berru, Nogent-l’Abbesse et Cernay. Tout le centre de la ville est en flammes, un « océan de feu », dira un témoin. La cathédrale, miraculeusement épargnée au début de la journée, est touchée par un obus qui traverse l’échafaudage de bois ceinturant la tour nord et explose à mi-hauteur. L’échafaudage s’embrase et l’incendie se propage rapidement à l’ensemble de l’édifice, qui est gravement endommagé. Le monument emblématique de l’histoire de la France devint le symbole des destructions allemandes durant la Première Guerre mondiale.

• 1919 (13 novembre) : Un incendie détruit entièrement le Grand Théâtre de Marseille, construit en 1786-1787, à l’issue d’une répétition de « L’Africaine » de Meyerbeer, sans faire de victimes. Seules les colonnes du péristyle et les murs maîtres sont épargnés. Reconstruit en trois ans et demi, le nouvel opéra de Marseille est inauguré le 3 décembre 1924.

• 1921 (30 septembre) : incendie des célèbres magasins du Printemps, dont l’immeuble — situé boulevard Haussmann à Paris — est entièrement détruit.

• 1938 : incendie des Nouvelles Galeries, sur la Canebière à Marseille : 73 morts, incendie lourd de conséquences. Le maire de l’époque a été destitué, la ville mise sous tutelle, le Bataillon des Marins Pompiers assure depuis cette date les secours.

• 1944 (26 mai) : incendie de la Bibliothèque municipale de Chartres en 1944, au cours duquel furent sérieusement endommagés ou détruits près de deux mille manuscrits inestimables. Ils formaient une collection exceptionnelle, en raison du rôle de premier plan que joua l’École de Chartres dans l’histoire intellectuelle de la France lors de la « Renaissance du XIIe siècle ».

• 1947 (30 août) : incendie du cinéma le Select à Rueil-Malmaison. Sur 600 personnes présentes dans la salle, l’incendie fit 87 morts et 27 blessés graves Un commerçant dans le vin né à Rueil, Jean Le Coz, fait 3 voyages pour sauver des gens mais ne revient pas lors du dernier. La rue du cinéma, la rue de Marly, est rebaptisée un an plus tard rue Jean Le Coz en son honneur.

• 1970 (1er novembre) : incendie du 5-7 de Saint-Laurent-du-Pont (Isère, France) : 146 morts, tous jeunes14.

• 1972 (28 janvier) : incendie de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, aucune victime à déplorer, mais les dommages sont tels (notamment toiture largement détruite) que l’édifice sera fermé au culte pendant trois ans.

• 1973 (6 février) : incendie du CES Édouard-Pailleron à Paris : 20 morts dont 16 enfants.

• 1994 (5 février) : incendie du palais du parlement de Bretagne à Rennes, conséquence d’un incident lié aux violentes manifestations de marins-pêcheurs.

• 1996 (5 mai) : incendie spectaculaire du siège parisien du Crédit Lyonnais. L’expertise a conclu à deux départs de feu volontaires.

• 2003 (nuit du 2 au 3 janvier) : incendie du Château de Lunéville, qui détruit les deux tiers des appartements princiers et provoque l’effondrement de la toiture de l’aile sud-est.

• 2013 (9 juillet) : incendie de l’Hôtel Lambert à Paris.

• 2014 (7 janvier) : incendie sur un chantier de Marseille situé à l’angle de la rue Melchior Guinot et rue Peyssonnel, à côté de l’école des infirmières et de l’hôpital européen du quartier de la Joliette. 4 blessés et 1 mort.

Par cette newsletter, l’IHMEC et l’IPGR invitent conjointement chacun à témoigner autour des mêmes événements, ou d’autres semblables que sont les grands incendies urbains. Ce peut être aussi pour relater un événement que vous avez vécu en direct et dont vous voulez partager votre réaction. Ensemble par les témoignages que nous laissons à nos enfants, nous construisons la mémoire collective des catastrophes, indispensable à leur capacité de résilience, et donc à celle de nos territoires.

L’IHMEC et l’IPGR, grâce à vous, souhaitent favoriser l’appropriation par chacun de la mémoire individuelle et collective des grands événements dommageables, et œuvrer ainsi pour la résilience des générations actuelles et futures.

Les témoignages, réalisés par chacun sous la forme qu’il a choisie (écrit, audio, video etc.) seront publiés sur le site http://memoiredescatastrophes.org.

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