L’Institut pour l’Histoire et la Mémoire des Catastrophes (IHMEC) et l’Institut de Prévention et de Gestion des Risques (IPGR) ont lancé fin 2014 une newsletter intitulée « Mémo Infos ». Elle est entièrement dédiée à la mémoire des événements survenus sur le territoire français qui ont été perçus comme des catastrophes, que leur origine soit naturelle, sanitaire, technologique, économique, ou liée à des actes de terrorisme. Parce que la mémoire collective des catastrophes fait actuellement tragiquement défaut en France, et que chaque citoyen est en même temps un acteur de la sécurité civile. En 2015, le premier numéro de cette lettre met en avant des événements remarquables liés à tous importants rassemblements humains, aux mouvements de foule, bousculades, phénomènes de groupe, paniques collectives qui bouleversent depuis la nuit des temps l’équilibre sociétal et son environnement. Liés ou non à une catastrophe (naturelle, industrielle …), résultants ou non d’un rassemblant d’hommes et de femmes autour d’un événement heureux ou malheureux, les mouvements de foule restent des épisodes traumatisants pour les survivants.
De manière à ne pas influencer le dépôt de témoignages actuels sur le territoire français, l’IHMEC et l’IPGR ont choisit volontairement, pour ce premier numéro, de partager les témoignages anciens hors hexagones et impressionnants telle la panique de la plaine de Chodinskoje, près de Moscou, à l’occasion du couronnement du Tsar Nicolas II en 1896.
Les mouvements de foule, bousculades, phénomènes de groupe, paniques collectives…
En mai 1896, à l’occasion du couronnement du Tsar Nicolas II, le couple impérial devait distribuer au peuple un mouchoir et une coupe « En souvenir de la fête du peuple ». Près de 400.000 paquets avaient été préparés (nombre de visiteurs attendus) mais c’est plus d’un demi-million de personnes qui affluait de tout bord. L’impatience et l’empressement ont eu raison de cette masse humaine. Ceux qui étaient le plus loin poussaient pour avancer, et les premiers rangs cédaient, tandis qu’on se battait pour avoir le fameux cadeau. Trois mille personnes environ furent foulées au pied, piétinées, écrasées, tuées. Un témoin oculaire, légèrement blessé mais dont l’épouse était morte piétinée raconta ce qui suit :
« Toute la lutte ne dura pas plus d’un quart d’heure, (…). La plaine était horrible à voir : un champ de bataille en temps de paix. Hommes, femmes, vieillards, enfants, gisaient-là dans leur sang, écrasés, broyés, méconnaissables. (…) » (extrait de l’ouvrage « Les grandes catastrophes d’après les récits de témoignages oculaires »).
En France, le dernier événement de ce type à être médiatisé fut celui de février 2002 : le drame du Parc des Expositions de Penfeld à Brest (5 morts et une trentaine de blessés). Une bousculade lors d’une soirée étudiante se transforme en mouvement de panique de la foule induisant la mort de jeunes étudiants par compression thoracique ou hypoxie et de nombreux malaises. (cf. http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20020208.OBS2998/a-brest-une-soiree-etudiante-tourne-mal.html).
Les bousculades, même lors de rassemblements pacifistes peuvent se produire durant des pèlerinages religieux, des événements sportifs ou musicaux, et tout autre événement rassemblant un grand nombre de personnes, etc… Elles résultent le plus souvent d’une peur panique lorsque les personnes tentent de fuir, ou au contraire, tentent de s’approcher de quelque chose. Dans ce cas, la foule est si importante que les personnes situées à l’arrière continuent d’avancer en poussant, tout en ignorant que les personnes situées à l’avant sont écrasées.
Tous les événements ne sont pas aussi marquants, meurtriers ou dramatiques lorsqu’une foule se rassemble (soldes, manifestation sportive et concert par exemple). Par cette newsletter, l’IHMEC et l’IPGR invitent conjointement chacun à témoigner autour des mêmes événements, ou d’autres semblables que sont les mouvements de foule ayant eu lieu en France. Ce peut être aussi pour relater un événement que vous avez vécu en direct comme par exemple : la catastrophe de Furiani (mai 1992), ou l’effondrement de la passerelle du Queen Mary II en novembre 2003.
L’IHMEC et l’IPGR souhaitent par ce moyen favoriser l’appropriation par chacun de la mémoire individuelle et collective, et œuvrer ainsi pour la résilience des générations futures.
Les témoignages, réalisés par chacun sous la forme qu’il aura choisie (écrit, audio, video etc.) seront publiés sur le site http://memoiredescatastrophes.org.
Il semble que les comportements humains aient finalement peu évolué face à la panique des mouvements de foule. Qu’en serait-il aujourd’hui en pareilles circonstances compte tenu de l’évolution de l’organisation des services de secours, des exercices de préparation à la gestion de crise, le tout combiné à l’attention portée vers l’information et la sensibilisation des citoyens? Les exemples du passé peuvent-ils servir le présent et l’avenir? Le rassemblement de témoignage peut permettre d’y concourir.