L’Institut pour l’Histoire et la Mémoire des Catastrophes (IHMEC) et l’Institut de Prévention et de Gestion des Risques (IPGR) ont lancé fin 2014 une newsletter intitulée « Mémo Infos ». Elle est entièrement dédiée à la mémoire des événements survenus sur le territoire français qui ont été perçus comme des catastrophes, que leur origine soit naturelle, sanitaire, technologique, économique, ou liée à des actes de terrorisme. Parce que la mémoire collective des catastrophes fait actuellement tragiquement défaut en France, et que chaque citoyen est en même temps un acteur de la sécurité civile, « Mémos Infos » vous invite à témoigner sur les événements que vous avez été malheureusement amenés à vivre, ceci afin de laisser une trace de votre propre expérience. Pour ce troisième numéro, « Mémo Infos » propose le sujet brûlant des incendies de forêts . Un feu de forêt est un incendie qui se propage sur une étendue boisée. Il peut être d’origine naturelle (dû à la foudre ou à une éruption volcanique) ou humaine (intentionnel et criminel ou involontaire et accidentel). Avec plus de quinze millions d’hectares de zones boisées, la France est régulièrement soumise à des incendies de forêt, plus particulièrement en région méditerranéenne, en Corse et dans les Landes. Face à ce constat, l’État mène une politique de prévention active qui s’articule autours de la lutte, de la gestion de la forêt mais aussi de l’espace entre la forêt et les habitations et l’information du public et des usagers de la forêt.
Bien que les incendies de forêt soient beaucoup moins meurtriers que la plupart des autres catastrophes naturelles, ils n’en demeurent pas moins dangereux notamment pour les pompiers et pour la population, ainsi que le patrimoine.
Le présent article se propose de revenir sur l’année 1949, année au cours de laquelle les Landes et la Gironde doivent faire face à un incendie qui, malgré la lutte incessante des militaires et des civils, ravage 28 000 hectares de forêt en quelques jours. Le bilan humain et matériel est catastrophique.
L’incendie de la forêt des Landes de 1949
Source:http://fr.wikipedia.org/
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le massif forestier est en piteux état : pas entretenu, coupe-feu embroussaillés et inaccessibles… Les moyens de lutte contre le feu sont, en outre, parfaitement dérisoires à cette époque. Après trois étés caniculaires, la région souffre de sécheresse et sa forêt de pins, particulièrement inflammable, a déjà perdu 100000 ha au 18 août.
Le 19 août, vers 13h, le feu prend au lieu-dit Le Murat, sur la commune de Saucats. L’enquête conclut qu’il serait parti de la cabane d’une scierie. Les premiers sauveteurs, armés de branches de pin, ne peuvent lutter contre la propagation du feu qui s’étend rapidement dans les pins, les landes et les chaumes. Un premier contre-feu est allumé, mais trop tard, le feu passe. Le vent violent souffle du nord-est, le feu avance rapidement. Son front s’étale alors sur une longueur de 5 km. Toute la nuit, des mesures sont prises pour contrer son avancée. Trois contre-feux échouent. Le vent tourne et le feu se dirige à l’ouest, il parcourt alors 4 kilomètres par heure. Il menace d’autres villages. D’importants contre-feux sont de nouveau mis en œuvre dans la matinée du 20, et l’on croit alors à une accalmie. Mais, à 15h15, le vent tourne brusquement et prend alors une direction nord-est. Les flammes, attisées par ce vent puissant raniment l’incendie partout où il semblait éteint.
« Le feu prenait en des milliers de foyers à la fois, à 1000 et 1 500 mètres du feu. De véritables boules de feu, des rubans de feu montaient à 100 mètres de hauteur. (…) Un capitaine pleurait et voulait se jeter dans le feu pour essayer de sauver ses hommes. » (Monsieur Henri VERDERY, adjoint au Maire de Cestas).
Une véritable tornade de feu s’abat alors sur la zone et ses occupants. A 17h, la région est plongée dans l’obscurité, le nuage de fumée est visible à plus de 100 km à la ronde. A 22h, le vent s’étant calmé, la situation s’améliore. Ne restent que deux fronts
Le feu de forêt de 1949 est l’incendie le plus meurtrier qu’ait connu la France. Il fait 82 victimes.
Raymond DUBOURG, l’un des sauveteurs a dit : « Vous savez, j’ai perdu deux amis dans le feu, et je me suis toujours demandé pourquoi ils étaient morts, pourquoi j’étais vivant. C’est par respect pour eux que je n’ai jamais souhaité raconter. Aujourd’hui je pense qu’il est tout de même indispensable de perpétuer la mémoire » (Propos recueillis par Marie-Luce Ribot, journaliste).
Témoignages d’après l’ouvrage de Joan Deville (2009) : L’incendie meurtrier – dans la forêt des Landes en août 1949. (les Éditions des Pompiers de France – ISBN 978-2-916079-20-2)
Retrouvez plus d’informations sur cet événement de 1949 tel qu’il est présenté sur le site mémoiredescatastrophes.org en cliquant sur ce lien Incendie des Landes (Sud Ouest) – Août 1949
Prévention incendie de la forêt
En France métropolitaine, 4 000 départs de feu ont lieu en moyenne chaque année et 24 000 hectares de forêt sont incendiés. Ces zones boisées ont un fort potentiel combustible en raison des essences représentées et de la sécheresse des sols. L’accroissement de biens et de la population à proximité et dans les forêts augmente la vulnérabilité de ces zones face aux incendies.
Les conditions climatiques (vent, chaleur) ainsi que la nature de la végétation sont favorables aux déclenchements de feux de forêts en Corse, en Provence – Alpes – Côte d’Azur, en Languedoc-Roussillon, en Drôme, en Ardèche et en Aquitaine. En France, 6 000 communes sont classées à risque de feu de forêt, soit une commune sur six, dont les trois-quarts situées dans le sud de la France. (Source : MEDDE – Statistiques).
En France la doctrine de la lutte repose sur une attaque systématique, rapide et massive des feux naissants. La chaîne, de la détection à l’extinction mobilise 35,000 personnes, sapeurs-pompiers, forestiers sapeurs, agents de l’ONF et des DDTM, militaires, pilotes de la Sécurité Civile, bénévoles des Comités Feux…
Chaque année, des hommes et des femmes périssent dans l’exercice de prévention et de lutte contre les incendies de forêt. D’autres sont très gravement blessés.
Jeune lieutenant de sapeurs-pompiers à la caserne de Marignane, Fred Maggiani est de repos chez lui quand il aperçoit un départ de feu au pied du massif de l’Estaque, tout près. Une heure plus tard, il est sur place avec ses collègues. Une nappe de gaz explose autour de lui. Il court se réfugier dans un camion. Il y arrive brûlé vif. Il a perdu son visage et ses mains. « A l’épreuve du Feu » (de Fred Maggiani), est un véritable témoignage authentique dans la relation du et des vécus de chacun(e).
Par cette newsletter, l’IHMEC et l’IPGR invitent conjointement chacun à témoigner autour des mêmes événements, ou d’autres semblables que sont les grands incendies de forêt ou encore de l’efficacité du débroussaillement et des mesures de prévention constatées notamment après incendie. Ce peut être aussi pour relater un événement que vous avez vécu en direct et dont vous voulez partager votre réaction. Ensemble par les témoignages que nous laissons à nos enfants, nous construisons la mémoire collective des catastrophes, indispensable à leur capacité de résilience, et donc à celle de nos territoires et incitant à la prévention.
L’IHMEC et l’IPGR, grâce à vous, souhaitent favoriser l’appropriation par chacun de la mémoire individuelle et collective des grands événements dommageables, et œuvrer ainsi pour la résilience des générations actuelles et futures.
Les témoignages, réalisés par chacun sous la forme qu’il a choisie (écrit, audio, video etc.) seront publiés sur le site http://memoiredescatastrophes.org – où vous pouvez déjà consulter d’autres témoignages et incendies (notamment celui d’un incendie en Corse).