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inondés Somme
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Inondations (Picardie, Haute-Normandie)

Entretien du 15/04/2013 avec un sinistré (AI) des inondations de la vallée de la Somme du printemps 2001. Interviewer : EC

EC : Est-ce-que vous pourriez expliquer les inondations du printemps 2001 telles que vous les avez vécues ?

AI : D’accord. Alors, les étapes, donc ici au niveau de la maison, tout le quartier, du côté faubourg des planches étaient inondées déjà depuis quelques temps. Nous, on pensait qu’on allait y échapper, ça faisait déjà un moment que ça durait et puis au matin, la mairie est arrivée, donc là, les dates, tout ça, je ne saurai pas vous dire mais disons qu’il fallait qu’on évacue la maison parce que l’eau arrivait par le terrain derrière et que la maison allait être aussi inondée. Donc nous ça a été vraiment à ce moment là qu’on a réalisé qu’on allait être aussi dans la panade donc on s’est un peu organisé pour essayer de sauver au maximum les choses auxquelles on tenait en fait.

EC : D’accord, donc ça a commencé aux alentours d’avril, c’est ça ?

AI : Oui, c’est ça, pour nous c’était… Nous c’était vraiment sur la fin. On a été vraiment les derniers inondés parce que l’eau arrivait comme ça par derrière et après ça a inondé tout le quartier de la gare : la gare, la route de Rouen. Donc nous on était quand même plutôt entourés parce qu’en fait je pense, qu’on est à un niveau un peu plus élevé, donc on a eu tout l’arrière de la maison, le terrain derrière, le garage, les dépendances qui étaient inondés et au niveau de la maison ça s’est arrêté juste sur le pas de porte. Mais il y avait de l’eau tout… La propriété était toute entourée d’eau.

EC : Et en sachant que l’eau arrivait, vous avez pu prendre des dispositions pour éviter éventuellement d’abîmer les meubles ?

AI : Voilà. Nous on tenait surtout à la salle à manger donc on avait des amis qui nous ont proposé un local où entreposer nos meubles donc on a déménagé nos meubles. Après, le rez-de-chaussée, on a un étage donc on a essayé de monter un maximum à l’étage et puis voilà quoi. Donc le rez-de-chaussée était à peu près… Tout ce qu’on pouvait évacuer, on l’a fait. Après… On a attendu en fait. On a sauvé les voitures, on a enlevé les voitures plus loin. Parce qu’on nous a dit que ça allait envahir toute la rue donc on nous a dit après que si on voulait utiliser les voitures, il fallait les sortir, donc on est allé du côté du quartier de la gare.
Voilà, donc ça, ça s’est fait sur … On nous a prévenu le vendredi soir et on a fait tout ça dans la matinée, le samedi matin. Et dans l’après midi, c’est vrai qu’on ne pouvait plus circuler de l’autre côté. Donc là, on était vraiment entourés d’eau et là on était… Il y avait de l’eau…juste devant la maison non, mais du pont, là tout derrière, jusque là la cour, comme c’est un petit en hauteur… Et là juste sur la voie ferrée. Mais là juste devant non, on n’a pas eu d’eau.

EC : Est ce que vous pourriez expliquer comment vous avez supporté personnellement l’inondation de votre terrain ?

AI : Moi je l’ai pris… pas trop mal…(rires). C’est quand même angoissant parce qu’on se demande jusqu’où ça va aller quoi. Mais tant que c’était que le terrain, le garage, voilà quoi. Moi j’avais plusieurs personnes de ma famille qui étaient à Mareuil Caubert et qui avaient de l’eau jusqu’aux fenêtres, donc moi je me disais que bon c’est pas aussi dramatique qu’eux donc c’est pas… C’est que le terrain, c’est que le garage, ça va aller. Donc voilà… Mais c’est stressant quand même.
Il y avait quand même le risque que ça continue, on s’est dit « bon, voilà maintenant c’est notre tour aussi, on va vivre la même chose ». C’est vrai que ça faisait déjà plusieurs semaines qu’ils vivaient ça donc on voyait déjà tout ce que ça apportait: l’inquiétude, l’angoisse, le stress, la fatigue, les moments de découragement, d’envie de tout laisser et de partir donc on s’est dit « ça y est, ça va être notre tour aussi ». Donc on avait déjà vu je trouve avec nos parents, des amis qui avaient vécu ça, comment ils avaient vécu les choses, donc on s’est dit « oh la la, ça va être compliqué aussi pour nous », mais quand on a vu que ça allait s’arrêter là, on s’est « voilà, c’est bon, c’est que le terrain, c’est pas grave quoi ».

EC : Et l’eau est restée combien de temps à ce niveau là ?

AI : C’est quand même assez long hein. Moi je n’ai pas travaillé pendant une semaine, après c’était les vacances scolaires… Oh à peu près trois semaines je dirai.

EC : Et vous saviez que l’eau n’allait plus monter ?

AI : Après ça a stagné, donc forcément on faisait attention… Mais les services de la mairie passaient, nous disaient « voilà, aujourd’hui, ça n’a pas bougé, le niveau n’a pas bougé » donc on était régulièrement informé, on savait que ça stagnait mais on espérait que ça n’allait plus monter. Donc voilà, on était un peu plus rassuré.

EC : D’accord. Comment s’est terminée l’inondation pour vous ?

AI : Quand la décrue s’est annoncée, l’eau a fait le chemin inverse, l’eau a été très vite, c’est parti assez rapidement quand ça s’est annoncé, puisqu’on était les derniers inondé, on a été les premiers libérés, entre guillemets.

EC : Est-ce-que vous saviez que le terrain était inondable ?

AI : Non… Non parce que moi j’habite… Je suis native de Mareuil Caubert, le village juste à côté, je n’avais jamais connu ça, mes parents non plus, mes grands parents non plus, donc non on n’avait pas ça…

EC : Est-ce-que vous pourriez préciser quel type de dommage matériel vous avez subi.

AI : En fait, on a dans une dépendance, juste à côté, tout ce qui est chaudière, machine à laver, sèche linge, congélateur, etc. Donc ça on n’a pas eu le temps de déménager, donc tout ça, ça a été touché, on a dû tout changer.
Après au niveau de la maison en elle-même, l’humidité a fait que, la brique a absorbé beaucoup l’humidité, donc on a dû refaire toute l’électricité du rez-de-chaussée, les papiers peints bien-sûr, car tout se décollait. Il y avait de l’humidité jusqu’à hauteur des fenêtres à peu près, sans qu’il y ait de l’eau dans les maisons. Après dans le garage on avait tondeuse, des choses comme ça, des outils qu’on a perdus aussi, des papiers qu’on entreposait dans une armoire. Tout ça, on n’a pas eu le temps de…

EC : Les murs, il n’a pas fallu les refaire ?

AI : Non, non. On a attendu presque qu’une année avant de refaire, on avait bien laissé sécher tous les murs avant de retapisser parce que c’était quand même très humide.

EC : D’accord. Est-ce-qu’il y a des dégâts qui vous ont touché plus que d’autres ?

AI : Qu’on a perdu, non, pas vraiment parce qu’on avait sur cette matinée, on avait quand même bien…réussi à protéger tout ce à quoi on tenait le plus donc… On avait…essayé de prévoir au maximum.

EC : Est-ce-que vous pourriez quelles ont été les conséquences à terme pour vous ?

AI : Toujours au niveau matériel ?

EC : Pas forcément.

AI : Au niveau matériel on est resté assez longtemps sans nos meubles parce que justement on voulait que la maison s’assèche avant de pouvoir faire les travaux, donc on attendait, on attendait… Donc on a vécu presque sans meubles, sans chauffage… Bon, c’était l’été après donc ça allait… Pendant quelques mois quand même mais voilà, à la fin ça semblait un peu long et quand on a pu commencer les travaux, voilà, on était reparti dans autre chose.
Mais voilà, je crois que c’est ça le plus long, d’attendre de commencer les travaux. Je dirai que c’était…environ 1 an après. On avait fait l’électricité avant. On avait commencé l’électricité en début d’année vers février 2002 et après on a enchaîné avec les tapisseries.

EC : D’accord. Et est-ce-qu’on vous avait proposé d’être relogé ?

AI : Non, on ne nous l’a pas proposé et nous on ne l’a pas souhaité non plus étant donné qu’on n’avait pas d’eau dans la maison… Bon, on n’avait pas d’eau au robinet non plus (rires) forcément, on n’avait pas de chauffage. L’eau était coupé, on n’avait pas d’électricité. Enfin, l’électricité ça n’a pas duré très longtemps, on l’a vite récupéré. Donc on est resté tout le temps ici, sauf les enfants. On n’avait pas gardé les enfants ici car il n’y avait pas chauffage et il n’y avait pas d’eau ici donc ce n’était pas pratique pour eux, donc on les avait confiés à des amis (rires). Voilà.

EC : Et vous receviez des aides matérielles extérieurs, des vivres ?

AI : Oui, oui, pour ça il n’y avait aucun souci. Qu’on soit là ou pas là, dans tous les cas on retrouvait de la nourriture devant les volets devant. Pour ça, c’est vrai qu’on n’a pas été. Mais sans eau, sans électricité, sans chauffage, parce qu’il ne faisait pas très chaud à ce moment là, c’était ça qui était le plus difficile oui.

EC : Et vous sentiez l’humidité en restant vivre ici ?

AI : Oui un peu. Il n’y avait pas d’odeur particulière dans la maison mais dans la dépendance, le garage, c’est resté un moment quand l’eau s’est retirée… C’était sale. Mais dans la maison non.

EC : Au moment des inondations vous étiez déjà en couple ?

AI : Oui, on n’est pas marié mais oui.

EC : D’accord. Votre situation a-t-elle changé aujourd’hui ?

AI : Non…

EC : Avec 12 ans de recul quel regard portez vous sur cette catastrophe de 2001 ?

AI : Quel regard je porte… ? Ca a été quand même très surprenant, je dirai… On s’est posé beaucoup de questions. Bon après il y a eu toutes les polémiques avec les jeux olympiques sur Paris. On ne savait plus trop qui croire, ne pas croire. Donc voilà, moi je me disais qu’il y avait peut-être un peu de vrai dans toutes ces explications. Peut-être qu’il y a eu un concours de circonstance et voilà… Je crois qu’on restera toujours avec nos questions.
Bon, c’est vrai que les associations, on s’est inscrits dans les associations, je crois que tout le monde a essayé de trouver des réponses à toutes ces questions et voilà, on nous en a donné dans un sens ou dans un autre. Donc voilà, moi je me dis qu’effectivement il y a peut-être un peu de tout dans ces explications, on peut prendre un peu de…(rires).

EC : Est-ce-que vous pensez que cet événement a changé quelque chose en vous.

AI : Sûrement… (rires). Le plus dur c’est de dire quoi. C’est qu’au niveau de la famille on a été plusieurs à être touchés donc effectivement on ne voit plus tout à fait les choses de la même façon. Quand je vois ce que mes parents ont vécu, je me dis que des fois je n’ai pas trop à me plaindre, quand j’ai un petit truc qui ne va pas. On relativise par rapport à ce qui peut nous arriver. Après… Je ne sais pas… Du côté des craintes que ça revienne, non…

EC : D’accord. Il arrive qu’une catastrophe crée des bouleversements dans la vie mais paradoxalement ces bouleversements peuvent parfois s’avérer positif. Avec le recul, qu’est-ce-qui a changé favorablement pour vous ?

AI : On a… Ca nous a permis nous de faire connaissance avec certains de nos voisins avec qui on est resté très amis. On se croisait comme ça, on se disait juste bonjour, donc maintenant il y a des liens un peu plus proche. Donc je dirai que c’est ça peut-être le point positif. Il y avait une solidarité aussi mais qui s’est vite perdue après. On est restés proche avec un couple de voisin avec qui on a… Mais après c’est vrai que dans tout le voisinage, il y avait une solidarité, on se disait bonjour, on s’entraidait, voilà, mais ça après, dès que c’était fini, chacun a repris sont petit train-train et ça s’est vite effiloché je trouve.

EC : D’accord. Est-ce-que le fait de vivre cette inondation a changé quelque chose dans votre famille en négatif ou en positif ?

AI : Dans ma famille… Comme ça non, je ne vois pas. Non, parce qu’on est quand même une famille avec des liens assez fort entre frère et sœur, les parents donc ça on l’avait déjà avant donc à ce moment là ça s’est confirmé je dirai, donc on s’est tous entraidé… Donc, non, de ce côté là, on l’avait déjà avant.

EC : D’accord. Est-ce-que le fait de vivre cette inondation vous a appris quelque chose ?

AI : M’a appris quelque chose ?… Comme ça je dirai… Non… Je ne vois pas…

EC : Au moment des inondations, combien de personnes vivaient ici ?

AI : Nous étions quatre, nous deux et nos deux enfants.

EC : Et après, ça n’a pas changé ?

AI : Non.

EC : D’accord. Est-ce-qu’avant les inondations de 2001 vous aviez déjà été inondé ?

AI : Non

EC : Depuis vous n’avez pas de nouveau été inondé ?

AI : Non.

EC : vous me disiez que vous vous êtes investi dans des associations ?

AI : On s’est inscrit à l’AVIA… Mais investi non, on est allé à quelques réunions au début pour essayer de comprendre comment ça pouvait… Comment on pouvait en arriver là, une inondation de cette ampleur, c’est surtout sur la durée, que ça nous questionnait plus… Le fait que ce soit aussi long… On a essayé d’avoir quelques réponses et après voir un peu au niveau solidarité si on pouvait apporter quelque chose mais bon, après… Oui c’est dans les premiers temps mais après on n’est pas allé plus loin.

EC : Au niveau de l’assurance, vous avez été dédommagé ?

AI : Oui, à ce niveau là on n’a pas eu de problème.

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