Par
O - Anonyme
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Covid-19 – Coronavirus
J’ai toujours eu un côté un peu ermite qui me fait apprécier les moments tranquilles chez moi. Surtout que ce sont des moments qui arrivent assez peu, « en temps normal », vu les journées de travail que je me fais toute l’année. J’ai mon ordinateur, ma télé avec Netflix, mes consoles de jeu, des stocks de café, et même quelques bouteilles de bière en stock. Il y a même un jeu vidéo que j’attendais depuis plusieurs années qui est sorti il y a quelques jours, et j’ai enfin suffisamment de temps pour l’explorer de fond en comble. De quoi se dire « En fait, c’est pas si mal, je vais pouvoir prendre un peu de temps pour moi ! ».
Je peux me considérer comme chanceux, par rapport à certains. Pas d’enfants à la maison, donc pas besoin de me transformer en professeur particulier. Vivre à deux avec quelqu’un qui travaille encore 4 jours sur 7, ça fait que j’ai l’appartement pour moi tout seul plus de la moitié de la semaine, tout en ayant quand même de la compagnie le soir. Un chat qui m’accompagne toute la journée, et des calopsittes qui chantent de temps à autre : je ne connaîtrai pas la sensation de solitude, ni celle de l’énervement lié à une trop grande promiscuité.
Pourtant, quelque chose me dérange. Je pourrais profiter de ces moments seuls pour me recentrer sur moi-même, rattraper mon retard sur mes articles et écrits, et peut-être même finir ma thèse. Mais mon esprit est occupé. Je ne peux pas m’empêcher de penser aux autres, à mes proches, à ceux que je ne connais pas, à mes patients, à leurs familles. Je m’inquiète beaucoup, notamment pour ceux qui ne comprennent pas ce qu’est un confinement, et qui doivent néanmoins rester enfermer chez eux, dans des conditions de vie parfois beaucoup trop difficiles pour eux et pour leurs proches. Comment les aider ? A distance ? C’est bien trop difficile, encore aujourd’hui. Alors je m’inquiète, beaucoup. J’espère que les choses vont pouvoir s’arranger, que quelque chose va se passer pour accompagner ceux qui sont dans le besoin, et auxquels on ne pense que trop peu souvent. Mais je ne sais pas si ça sera possible pour les prochaines semaines à venir.
Je culpabilise. Je suis chez moi, au chaud, mais je n’aide pas beaucoup. Je continue les prises en charge de certains patients en visio-consultation, mais ils sont peu à avoir accepté ce nouveau dispositif. Je vais sur les réseaux, m’inscris dans des groupes d’entraide, notamment pour essayer du mieux possible d’être présent pour les soignants et autres professionnels qui bossent tous les jours pour que le pays continue de vivre. Moi aussi j’aimerais me sentir utile. De là où je suis, où j’écris ce petit texte, j’ai plutôt l’impression d’être en position d’observateur, et ça m’énerve.
De temps en temps, je sors de chez moi, juste devant la porte de mon bâtiment, pour fumer une cigarette sur le trottoir. C’est dingue, je n’avais jamais vu des rues de Paris aussi vides, aussi calmes. Le silence. Ca me fait penser à mon petit village dans le Berry, dans lequel j’ai vécu quand j’étais enfant. Je me sens souvent seul quand je suis au beau milieu d’une foule, ou dans le métro. Mais cette fois, c’est différent. Je ne me sens pas seul, parce que je vois tous ces gens à travers leur fenêtre, qui regardent la rue vide, tout comme moi. Je me retrouve même à aimer Paris tout d’un coup.
Mardi soir, 20h. J’écrase ma cigarette dans la poubelle et je commence à rentrer. J’entends alors une salve d’applaudissements dans ma rue. Je n’étais pas au courant, je me dis « Quand même, ils sont si écolo que ça pour me féliciter à ce point de jeter mon mégot dans une poubelle ? ». En rentrant chez moi, j’apprends que c’est un mouvement général pour applaudir les soignants. Je souris : c’est donc vrai, on n’est vraiment pas seuls.
Alors je rallume mes écrans, je me connecte à mes réseaux, je discute avec mes amis, je prépare une partie de jeu de société par écrans interposés pour ce week-end. En fait, quand on regarde bien, on est peut-être confinés chez nous… mais avec Internet, on l’est tous ensemble, en même temps. Et ça, c’est bien.
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