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du Développement Durable et de l’Énergie

Note de lecture.

Ouvrage de deux-cents pages avec une abondante bibliographie, publié en 2016 par les éditions Slatkine, Genève.

Emmanuel Garnier, directeur de recherche au CNRS, historien du climat et des risques, auteur de nombreux ouvrages et articles sur les « dérangement du temps » s’attache dans cet ouvrage au cas particulier de la ville de Genève tout en faisant quelques références à des évènements similaires observés ailleurs. Il étudie l’exposition de la ville aux risques climatiques et naturels (inondations, vagues de froid, sécheresse et canicule, séismes) entre 1350 et 1950. Il exclue les faits de guerre, les accidents industriels, les épidémies. Il analyse les conséquences de ces catastrophes tant sur les individus que sur institutions politiques et administratives de la ville.

L’ampleur de la période étudiée le conduit en premier lieu à constituer un corpus de recherche qui s’appuie sur une grande variété de ressources. Il a ainsi recours non seulement à de nombreux lieux de conservation de la mémoire classiques comme les archives d’Etat, la « production bureaucratique » des administrations, les bibliothèques, mais aussi aux archives des églises chrétiennes, aux archives privées et journaux intimes, à la littérature scientifique et pour la fin de la période à la presse et aux archives photographiques. L’auteur insiste sur l’intérêt de cette méthodologie qui a le mérite d’associer des points de vue différents et de permettre une approche interdisciplinaire qui intègre sciences sociales et sciences humaines sans lesquelles il estime qu’il n’est pas possible de comprendre les phénomènes observés puis de mettre en œuvre une politique de gestion des catastrophes efficace.

Muni de ce corpus l’auteur dresse un tableau des 133 « évènements extrêmes » (termes des climatologues pour désigner des évènements ayant une faible probabilité d’occurrence mais de fortes conséquences sur les systèmes économiques et sociaux concernés) subis par la ville notamment 45 vagues de froid, 37 séismes, 29 inondations, 10 sécheresses et canicules. L’existence et la répétition de ces évènements amène l’auteur à nombre de constats intéressants. Il remarque que l’historien qui étudie la longue durée ne fait pas toujours le même constat que le climatologue qui ne s’appuie que sur des données récentes : chaque spécialiste a sa focale chronologique et, partant, des conclusions parfois divergentes notamment sur la fréquence et l’ampleur de certains évènements. Par suite l’historien est selon ses termes parfois mal à l’aise devant les assertions de certains analystes du climat. Il va même jusqu’à dire que dans certains cas la perception de nos contemporains sur les changements climatiques procède d’une vision erronée, fruit d’un « trou de mémoire » collectif.

Dans un dernier chapitre l’auteur décrit les réactions des diverses parties concernées par l’impact des catastrophes. Il insiste encore sur le rôle de la mémoire comme outil de résilience. Après avoir évoqué les pratiques religieuses consistant à organiser des processions pour réclamer l’assistance ou la clémence divine, il décrit les diverses mesures adoptées par les pouvoirs publics en vue d’une politique de prévention des risques: lutte contre les crue, endiguement des fleuves, stocks de grains, contrôle du prix du blé, sablage des rues en hiver. Il remarque aussi les positions variables adoptées à l’égard des « pauvres » frappés par les divers évènements. Si certaines situations de crise conduisent les pouvoirs publics à interdire leur présence à Genève ou à les expulser a contrario d’autres poussent ces mêmes pouvoirs comme des personnes privées à organiser des collectes de fonds, des hébergements et des secours alimentaires.

En conclusion l’auteur affirme qu’il convient absolument de garder la mémoire du passé et de valoriser toutes les formes d’archives car c’est la méconnaissance du passé qui empêche de se protéger contre les effets dus à la répétition des catastrophes. Il propose deux pistes susceptibles de permettre une meilleure résilience urbaine. La première consiste à cultiver par tous les moyens traditionnels (conférences, traces paysagères, écrits divers) et maintenant modernes (blogs) la mémoire des évènements, leurs fréquence, ampleur et localisation. Il convient aussi, comme Genève l’a fait, de repérer sur des plans cadastraux les lieux des divers fléaux. La seconde vise à enseigner les gestes qui sauvent avec notamment le recours à des volontaires de défense civile. L’ensemble de ces pratiques devraient permettre de mieux gérer les politiques de réduction des risques avec ciblage des zones et des personnes particulièrement exposées.

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