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inondés Somme
en rapport à
Inondations (Picardie, Haute-Normandie)

Entretien du 25/03/2013 avec un sinistré (AG) des inondations de la vallée de la Somme du printemps 2001. Interviewer : EC

EC : Est-ce que dans un premier temps vous pouvez m’expliquer les étapes de l’inondation 2001 telles que vous les avez vécues ?

AG : Alors, ça s’est passé, disons, dans un premier temps, ça a commencé sur le secteur de Fontaine-Sur-Somme. Moi, j’intervenais déjà à titre professionnel là-bas. Et ensuite, nous on a commencé à avoir, disons, une montée de l’eau par le canal. Et… une rivière qui passe là-bas au bout. Et de fil en aiguille, ça a monté, ça a monté. Bon, moi j’avais commencé à avoir de l’eau dans les bâtiments là bas. Sans trop s’affoler disons. Et en l’espace de…
Donc moi j’avais une voiture, je l’ai dégagé parce que j’ai dit « bon, je vais la dégager, on ne sait jamais ». Il y avait vingt centimètres d’eau. Et en l’espace d’une journée, le niveau augmentait à un bon trente centimètres. Du fait que mon voisin (que vous avez dû rencontré), moi quand je suis parti le matin, j’ai dis « tu sais, je serai toi, je commencerai à caler mes meubles ». Il dit « tu crois ? ». Dans la matinée, il criait au secours parce qu’il avait pris trente centimètres.

Vous voyez, ça a monté quand même à une vitesse quand même assez rapide…lente, sans brutalité puisque l’eau a monté… Finalement, dans un sens, ça a fait des dégâts mais pas les mêmes dégâts que quand vous avez un gros orage où vous avez un flot qui arrive. Et en quelques… disons… dans la semaine, on avait pris un mètre. Parce que si vous voyez le muret qui sépare le jardin, hé ben nous, elle était passée quasiment par-dessus. Là ici, dans la petite maison, j’avais cinquante centimètres et ça s’est stabilisé.

EC : À aucun moment ça n’a atteint la maison ici ?

AG : Non, à part la cave là. À part la cave… Du fait qu’après l’eau a pris toute la place partout, que ce soit devant sur le canal de transit devant, que ce soit derrière, tous les niveaux se sont stabilisés et on s’est retrouvé en l’espace de deux à trois jours, on n’avait plus de tout-à-l’égout qui fonctionnait et là ça commençait à poser un problème… Par ce que nous on ne pouvait plus utiliser les toilettes… On ne pouvait plus utiliser la machine à laver… Alors bon, comme j’avais un camping car à l’époque, j’ai récupéré mon water chimique et puis je l’ai mis dans les waters et puis… La ville avait mis des toilettes de chantier un peu plus loin et on allait vider dedans.
Et on est resté comme ça 27…42 jours. Donc moi ici… On s’occupait des voisins, on se relayait. On s’est donné mutuellement… Tel que Mr X, on est allé donner un coup de main pour ses meubles, dans ça d’eau… Récupérer ce qu’il pouvait récupérer… Moi ici, j’avais pas…
La ville était passée quand même caler les meubles, j’ai dit « attendez, si moi j’ai de l’eau là-haut, ça fait… » ça faisait beaucoup… Parce que s’il y avait de l’eau dans la maison, ça veut dire que le boulevard, le trottoir étaient…immergés. Mais comme ça se stabilisait, on n’avait pas trop de craintes, on restait vigilent mais on s’occupait plutôt de ce qui se passait dans notre entourage que de nous. On n’avait pas trop à s’inquiéter.
Bon, moi j’avais installé une pompe dans la cave pour dire de stabiliser le niveau, parce que comme on avait une boite électrique, j’ai dit « si jamais elle prend l’eau, je suis foutu, je n’ai plus rien ». Puis, on a vécu comme ça sans pouvoir, sans… À l’époque j’avais un chien, le pauvre chien lui aussi était un peu paumé, tout le monde était un peu paumé parce que, plus d’espace pour courir, nous on ne pouvait plus… Moi, j’avais mon atelier de bricolage là-bas, je ne pouvais plus… Bon j’avais quand même calé pas mal de choses mais au final il y avait quand même la perte de…

Pendant plusieurs jours comme ça, l’humidité s’est installée dans les bâtiments. Bon ici le chauffage fonctionnait encore. Mais l’humidité s’est installée partout dans les bâtiments. Et encore pire, encore pire, dans les gens qui avaient de l’eau dans leur maison. C’était encore plus traumatisant ! J’ai vu des maisons telles qu’à Fontaine-Sur-Somme, un mètre cinquante d’eau et plus dans les maisons… Les meubles flottaient, les gens complètement perdus, je veux dire, ça fait drôle. Et on reste impuissant… Qu’est ce que vous voulez faire d’une pareille masse d’eau, on ne pouvait pas l’évaluer, il fallait attendre… On a attendu, on a attendu… et puis bah, on a fait avec. On a fait avec. Et après bon, bah, forcément quand l’eau… Ça a commencé à rebaisser un peu et puis pratiquement en 48h, terminé, c’était parti.

Alors après, je ne vous dis pas le bazar que ça a été, parce que ces inondations, l’eau elle a raclé tout sur son passage, tous les déchets flottants, qu’ils soient liquides, solides… Pas trop solide parce que comme il n’y avait pas trop de courant… Et ça a engendré… On avait un voile gras d’hydrocarbure qui flottait en permanence et tout ce qui pouvait être disons, métallique, c’était attaqué par la corrosion. Donc ça prouve bien que ça a passé dans des endroits où l’eau a engendré des tas de déchets polluants, sans compter tous les étangs qui se sont vidés, les poissons qui arrivaient là, qui n’avaient rien à faire là. Bon, il n’y avait pas forcément une odeur, c’était plutôt après… C’était plutôt une odeur de marais…
Forcément, 42 jours comme ça, vous vous rendez compte, ça s’est installé…ça s’est installé… Et après il a fallu gérer. Au fil du temps, une partie des végétaux sont morts. Forcément, un arbre c’est pas fait pour rester pendant des jours et des jours dans l’eau… Voilà en gros comment ça s’est… Et après au niveau de la solidarité, des voisins, tout ça, on s’est aidé pour nettoyer, pour trier… Et ensuite, les assurances… Enfin… Pas les assurances mais l’assurance, qui est passée constater.

EC : Vous vous souvenez du jour où ça s’est terminé ?

AG : On a les dates… Puisque ça a commencé au mois de… fin mars, début avril… je sais plus trop… Et ça s’est terminé mi-mai.

EC : D’accord. Est-ce-que vous pourriez expliquer comment vous avez supporté personnellement l’inondation ?

AG : Vous savez, on a… On l’a mal supporté parce qu’on… On ne comprenait pas et on n’a toujours pas compris ce qui s’est passé. On dit que c’était les nappes phréatiques, il y a eu aussi les passages importants d’eau qui n’ont pas été très bien contrôlés.
Maintenant, ça, on saura peut-être un jour, je ne sais pas… On l’a mal supporté parce que tout le temps que vous passez à équiper votre maison, à équiper… à aménager votre jardin… Parce que moi ici, je fais tout moi-même… Je veux dire… Je dis pas que ça a été un traumatisme parce que ce serait beaucoup dire mais je veux dire… ça a été quand même un peu… pas chiant mais… je veux dire… ça fait tout drôle quoi, on ne comprend pas que ça peut nous arriver…
Vous vous voyez perdre tout ce que vous avez mis de côté, le temps que vous avez passé à aménager… Il faut tout reprendre et sans savoir après ce qu’il va se passer parce que les bâtiments peuvent bouger… Ça a quand même été dur à supporter.
Après il a fallu faire l’inventaire. Forcément vous remuez tous les souvenirs… Ici on n’a pas de sous-sol, on n’a pas de grenier… Vous avez tous les souvenirs de famille parce que dans les familles vous avez les décès, vous avez les meubles… tout ça, c’est parti… J’avais mon père qui était bourrelier, j’avais sa machine à coudre, elle était foutue, elle est partie à la ferraille. Je veux dire, quelque part, ça fait mal au cœur quoi.

EC : Parce que ça c’était à cave ?

AG : Non, c’était là bas au bout.

EC : Parce que le bâtiment au bout c’est aussi à vous ?

AG : Oui, oui, ça va jusqu’au bout, il y a six cent mètres en tout. Bon, le préau sur le côté était pas fait mais tout ça c’était rangé là-bas et puis je vous dis, c’est des choses qu’on n’a pas. Parce qu’on n’avait pas assez de place pour stocker en hauteur… Et il arrive un moment où on n’avait plus de place. Et comme l’humidité… On avait mis ça sur des plateaux… Et comme l’humidité s’était installée là dedans, les planches elles ont plongé… Ça c’est parti.
Mais moi je travaillais, donc j’allais faire mon tour tous les jours. On ne pouvait même pas y aller avec des cuissardes, parce que là bas tout au bout il y avait un mètre dix. Donc même avec des cuissardes, c’était pas évident. Mais il fallait circuler…moi je connais mais à des endroits il fallait circuler lentement et faire attention à là où on allait…
On avait nos vélos et nos vélos sont… Mais tout ce qui était métallique, ça a été oxydé, bouffé par la rouille. Si vous mettez un morceau de métal dans l’eau, vous le ressortez huit jours après il n’a pas bougé. Alors que là tout était corrodé, ça prouve bien que cette eau était quand même chargée de … d’hydrocarbures qui soient corrosifs… Ça se voyait hein.

EC : D’accord. Est-ce-que vous saviez que votre terrain était inondable ?

AG : Non, pas du tout… Pour la bonne raison qu’ici, nous c’est une maison qui a été construite avant guerre, qui était du bien de famille de mon épouse. Ses grands-parents étaient maraîchers là-derrière, un peu plus loin, donc ils étaient là depuis des lustres, depuis un siècle… Donc si on aurait été, dans un secteur inondé… Sa mère ou même sa grand-mère aurait dit « dans le temps on a été inondé »…
Bon, de temps en temps, pas ici mais un peu plus bas par là quand le niveau de la rivière là-bas au bout montait, ça arrivait qu’il y ait un petit peu d’eau dans le fond des jardin mais ça durait deux jours et à marée basse, c’était terminé, on n’en parlait plus.
Un peu plus loin, il n’y a jamais eu de problème d’eau. On n’a jamais entendu parler de quoi que ce soit, d’inondation dans cette zone-là. Même par là, dans les fonds par là… Sauf dans le quartier St Gilles que moi je n’ai pas connu, il y a eu des problèmes d’inondation mais c’est carrément du marais. Mais ici non. La gare et tout ça, les voies, c’était sous l’eau.

EC : Est-ce-que vous pourriez préciser quels types de dommages vous avez subis ?

AG : Ah, beaucoup de dommages matériels. Moi j’avais des… Comme je fais tout moi-même, j’avais les matériaux stockés… Donc ils ont péri dans l’eau. Moi, j’ai eu pas mal de matériel de bricolage, moteur électrique, bétonnière… Tout ça c’était mort, ça a baigné dans l’eau… Donc ça, c’était un dommage… Après, le petit outillage… Tout ce qui était… Des vis, des pointes tout ça… Après ça faisait des blocs tellement c’était corrodé.
C’est vrai que quelque part ça fait mal au cœur car quand on voit le coût… Après il faut reprendre, il faut re-trier et on récupère ce qu’on peut récupérer. Moi j’avais des meubles et tout ça, ça a été foutu. Ça, ça a été des dommages. Après, là dans la maison, moi j’ai eu toute la cave à refaire parce qu’elle était… Avec l’humidité j’ai dû regratter les murs, les assécher, les ré-enduire, refaire une partie de l’électricité. Ça, ça a été un dommage, c’est sûr.

EC : Vous entreposiez beaucoup de choses au bout du jardin et dans la cave il y avait…

AG : Dans la cave, il y avait des provisions… On les a montées, car l’eau est passée par le soupirail derrière, on avait stocké tout dans la cheminée et puis c’est tout. Mais dans la cave, puisqu’on y a accès par une trappe, il n’y avait pas de gros volume, il n’y avait pas de frigo, pas de congélateur, c’était que des provisions, des consommations alimentaires. Mais elle a… les murs ont souffert.

EC : Est-ce-que parmi les dommages que vous avez subis, certains vous ont affecté plus que d’autres ?

AG : Non, pas particulièrement, à part la machine à coudre de mon père, que j’ai été obligé de sacrifier, parce que bon, cette machine à coudre, comme c’était une machine à coudre de bourrelier. Moi je pouvais m’en servir pour… Parce que mon père s’en servait pour refaire tout ce qui était fauteuil… J’aurai pu m’en servir… Ça oui, ça m’a fait mal au cœur. Mais ça aussi, elle était carrément attaquée, soudée par la corrosion qui s’était installée. Et puis bon, c’était quand même une machine… Je veux dire, pas une grosse machine mais bon, c’est sûr qu’il y a quelques pièces de familles qui…

C’est sûr que quand vous avez débarrassé, là vous ressortez les souvenirs, c’est logique, c’est logique… mais après on… On a perdu des choses… On a perdu des pièces de souvenir mais dans un sens on dit, il y a des gens qui ont été pires que nous parce que moi je l’ai vu, j’étais au contact permanent des gens qui ont été sinistrés. Alors je ne vais pas me plaindre, enfin, on ne va pas se plaindre, parce qu’il y a des gens qui étaient carrément dans la merde… Dans la merde… Et ça je l’ai vu. C’est peut-être ce qu’il y a…
Dans un sens, ce qui nous faisait le plus mal au cœur… Pourtant j’étais habitué à voir des situations délicates de sinistre… Mais là je veux dire, c’était tous les jours pendant un période donnée. Parce que bon, moi j’ai été sapeur pompier… Quand on intervenait, c’était dans une durée d’une heure, deux heures, bon, après c’est fini, on passe à autre chose. Mais là, on s’était installé pendant plusieurs jours dans la vie quotidienne des gens, de leurs problèmes et on se sentait impuissant et parfois les gens ne comprenaient pas qu’on ne faisait rien. C’est ce qui était le plus traumatisant dans cette affaire. C’est pas moi, d’avoir perdu des matériaux, des trucs comme ça… Non… Après quand on a commencé à débarrasser, oui… C’est sûr que là on dit oui…bon…

EC : En terme d’objet, vous parliez de la machine de votre père. Est-ce-qu’il y avait d’autres objets comme ça dont vous aviez hérité, qui faisaient partis de la famille…

AG : Non, tout ce qui était meubles des parents, etc. C’était dans un petit grenier là haut, c’était rangé là-haut. Ils ont pris un peu l’humidité mais vous savez, comme ce sont des meubles anciens, donc ça n’a pas trop bougé. Après j’en ai récupéré parce que j’ai une de mes filles qui en a pris… Après c’était des meubles un peu plus moderne, des filles quand elles étaient petites… La literie, c’était de l’agglo, ça a pris l’humidité, ça a gonflé, tant pis.
C’est tout, mais c’était pas… Par rapport à ce qu’on a pu voir, on ne pouvait pas se permettre de se plaindre sur son sort. Par rapport à Mr X derrière, il a été obligé d’évacuer les lieux… de partir, de quitter tout… Et puis toute la maison, tout l’intérieur… C’était plus…

EC : Est-ce-que vous pourriez préciser quelles ont été les conséquences à termes pour vous ?

AG : Il a fallu gérer l’assurance, faire la déclaration à l’assurance… Ben, les délais que ça a pris… Parce que, est-ce qu’on commençait à débarrasser, à nettoyer ?
Ça a été quand même, d’un autre côté, ça a quand même été assez vite parce que, de mémoire on a commencé à lister ce qu’il y avait en gros… Parce que c’est pas évident de lister ce qu’il y avait… Faire des photos… Parce que c’est le conseil qui avait été donné… Donc j’ai fait pas mal de photos… Et après vous avez le… Votre expert qui… J’avais pris un contre-expert, qui dit « non, j’ai vu avec votre assurance… vous pouvez y aller, nettoyer… ». Donc à partir de ce moment-là, disons que dans les deux semaines qui ont suivi le départ de l’eau, ça a quand même été…été assez vite… Après, ils ont rendu leur conclusion… Fait les propositions de dédommagement… je veux dire, de ce côté ça n’a pas été traumatisant puisque, ça s’est quand même relativement bien passé…
Même si on laisse des plumes comme on dit… Donc de ce fait là, il n’y a pas, comme on pourrait dire… Le traumatisme est venu parce qu’on a perdu certaines choses et en conséquence on n’a rien.

EC : Vous avez quand même été dédommagé d’une certaine partie.

AG : Voilà, il n’y a pas… Dans les deux mois qui ont suivi le départ de l’eau, où ça commençait à rentrer dans l’ordre, ça a été quand même assez vite. Et je sais que d’autres personnes, ça a traîné assez longtemps. Mais bon, les dégâts étaient quand même beaucoup plus importants que les nôtres.

EC : Vous avez donc dû repartir sur des travaux dans les bâtiments qui ont été touchés ?

AG : Tout re-nettoyer… Beaucoup de nettoyage… Bon, déjà, vider la cave, laisser sécher… un bon bout de temps. Après, nettoyer tous les… Parce que c’était noir, c’était gras. Parce que, comme l’eau est descendue tout doucement, elle n’est pas repartie avec un courant donc tout ce qui pouvait flotter, cette couche grasse qui flottait en permanence, elle s’est reposée. Et quand l’eau est repartie, à des endroits on avait une épaisseur comme ça de… Pas de vase mais de… de boue noire liquide. Donc tout ça, il a fallu la chasser… Et après dans les bâtiments, tout trier, vider, nettoyer l’intérieur, laisser sécher et une fois que ça a été sec, j’ai refait toutes les peintures… Dans le garage il y a encore des choses à faire mais au niveau de l’eau, toute la peinture par endroit elle a été bouffée, elle a été attaquée. Bon après, moi j’avais les portes, tout ça, comme c’est une partie en bois, ça n’a pas trop souffert, donc de ce fait là, non, il n’y a pas eu de gros travaux de remise en état quand même… à part des remise en peinture…

EC : D’accord. Depuis les inondations, votre statut civil n’a pas changé ? Vous êtes toujours marié ?

AG : Oui, oui.

EC : Avec douze ans de recul maintenant, quel regard portez-vous à présent sur la catastrophe de 2001 ?

AG : Ben, on cherche toujours si vous voulez. Par exemple ce week-end avec de la famille, on cherche encore exactement ce qui s’est passé. Puisque là, au vu de ce sinistre, il y a eu une association qui s’est créée, qui s’est appelée l’AVIA, dont je suis membre et actuellement, on surveille de près le phénomène de chasse hydraulique qui se passe à St-Valery parce comme ils ferment les éclusess, ils laissent monter le niveau du canal. C’est sous contrôle mais malgré tout, on reste vigilant.
Bon, on a quand même eu une année assez chargée en pluviométrie… Il ne s’est rien passé de particulier… Bon à part quand même dans certains endroits, des masses d’eau qui sont restées. Malgré tout, on ne voit pas de montée importante, que ce soit dans le canal ou là-bas dans la rivière, de montée importante de l’eau. Même si la rivière au fond, elle monte par moment… mais comme je dis, des fois, c’est pas alarmant, c’est pas alarmant parce que c’est contrôlé.
Douze ans après, on reste vigilant parce que comme on a eu une saison chargée en pluviométrie, le phénomène de chasse, on a quand même eu pas mal de neige, de précipitation de neige, tout ça ce sont des phénomènes qui peuvent…
Mais douze ans après, on cherche toujours à comprendre ce qui s’est passé à l’époque. Même si on sait, même si on a un doute : est-ce que c’est les nappes, le délestage mal contrôlé… On cherche toujours… On cherche toujours à comprendre…

EC : Et est-ce-que vous pensez que cette inondation a changé quelque chose en vous ?

AG : Ben, elle a changé… il y a eu des contacts qui se sont faits… Bon, nous au niveau du voisinage ici, il n’y avait pas de problème, une bonne solidarité, une bonne…entre le voisinage, mais il y a des liens qui se sont créés avec d’autres personnes.
Comme dans tout sinistre d’ailleurs, comme dans tout sinistre de ce genre là, que ce soit l’eau, la tempête, l’incendie, il y a des liens qui se sont noués, c’est sûr. Parce que par le biais de l’association, elle est toujours active et tous les ans, on a un succès quand on organise une fête, un truc comme ça et il y a toujours un contact qui se fait avec d’autres personnes, avec d’autres quartiers. Il y a des liens qui se sont créés avec des gens qu’auparavant…chacun a sa vie, chacun travaille, rentre chez soi, part en vacances alors que là il y a des choses qui ont changé.

EC : D’accord. Est-ce-que vous diriez aussi que l’investissement que vous avez habituellement dans votre habitat a changé ?

AG : Non… non parce qu’après on a repris. On a tout remis en état, on a repris petit à petit le cycle normal… Et de toute façon, on ne pouvait pas se permettre d’arrêter. Moi j’ai ré-aménagé là-bas au bout mais d’une autre façon. C’est-à-dire que si un jour ça revenait, en l’espace de quelques heures je peux tout vider. J’ai tout prévu de façon à ce que je puisse vider facilement. J’ai tout remis en caisse. Bon, j’ai toujours l’habitude de ranger… Je sais pas si c’est un défaut ou pas (rires) mais là j’ai fait un autre système de rangement : c’est dans des caisses. C’est-à-dire que là, je peux prendre des caisses, les empiler à une hauteur voulue. Pour pas re avoir ce que j’ai subi, que les objets disparaissent sous l’eau… Parce que bon, j’y tiens..
Comme toute personne, j’entretiens mes affaires, je n’aime pas dégrader, parce que je sais ce que ça coûte… Donc c’est vrai que de ce côté là c’est prévu.

EC : Il arrive qu’une catastrophe crée des bouleversements dans la vie mais paradoxalement, il arrive que ces bouleversements s’avèrent positifs… Avec le recul qu’est ce qui a changé favorablement pour vous ?

AG : … Non, ça n’a pas changé… mais…si ça se reproduisait, c’est sûr qu’on réagirait peut-être autrement. Je sais pas. Moi maintenant qui suis disponible… je le faisais déjà, mais à l’époque j’étais sur plusieurs feux… On commençait déjà entre voisin puisque là derrière… tout ça, ça a été…
Le voisinage a été renouvelé… On réagirait peut-être autrement… On prendrait les devants. Que là, on a été, on a été quand même surpris, même si on a vu qu’il y avait un peu d’eau… Bon, il y a un peu d’eau… Mais c’est vrai qu’on a été pris de court. Même si l’eau montait tout doucement, on a quand même été pris de court.
Que si jamais ça se reproduisait… Que ce soit ça ou que ce soit peut-être autre chose, on réagirait peut-être autrement, je pense. Parce que comme dans tout, c’est l’expérience qui fait, qui parle. Parce que là dans le quartier, tout le voisinage a été pratiquement renouvelé… Pas à la suite des inondations… Bon, le voisin à côté est décédé quelques temps après… Mme X aussi. Les jeunes sont partis, c’est des nouveaux propriétaires… À côté c’était Mr Y, ça a changé aussi de propriétaire mais pas suite aux inondations. Donc ce sont des gens qui sont au courant mais s’il y avait un problème, nous les anciens, on serait là pour dire « attendez, il faut procéder…ça, ça et ça… ». Mais sinon ça n’a pas changé…

EC : Est-ce-que le fait de vivre cette inondation a selon vous changé quelque chose dans votre famille ?

AG : Non…

EC : En négatif ou en positif…

AG : Non, non… Au contraire, à l’époque mes frères et sœurs n’étaient pas dans la région, ils téléphonaient régulièrement et tout, et on leur disait : « dans la maison ça va, ne vous inquiétez pas… ». Non, non.

EC : D’accord. Est-ce-que le fait de vivre cette inondation vous a appris quelque chose ?

AG : Oui… Ça nous a appris à voir les choses autrement… Mais oui, moi du fait de ma profession… Ça m’a pas apporté grand chose puisque la solidarité entre voisins, entre citoyens, on l’a déjà… Non, ça… Non, ça n’a pas changé. Comme je vous ai dit tout à l’heure, c’est sûr, il faudrait revoir les choses autrement mais comme j’étais déjà dans le système…

EC : D’accord. Combien de personnes vivaient avec vous au moment des inondations ?

AG : Nous étions trois. Parce que nous avons deux filles. Il y avait mon épouse, moi et notre fille qui est là.

EC : Et après les inondations ?

AG : Ah, elle est restée là parce qu’elle faisait ses études… Elle est partie un an après.

EC : Avant les inondations de 2001, vous étiez-t-il déjà arrivé d’être inondé ?

AG : Non, non. À part un peu dans le fond là bas. Ça montait, ça restait deux jours. Mais il n’y a jamais eu rien, jamais de l’eau dans mon garage. Rien, non, c’était…

EC : Depuis vous n’avez donc jamais été inondé…

AG : Non, non, non…

EC : Quelles raisons vous ont amené à vous investir dans l’association AVIA ?

AG : Ben, déjà pour aider et continuer à être derrière les… les autorités compétentes, c’est-à-dire, les élus, de façon à … ; qu’il y ait un petit peu plus de cohérence, en ce qui concerne le nettoyage et l’aménagement des cours d’eau.
Là, nous sommes toujours sur un dossier… Là là-bas, la rivière qui passe au bout, c’est ce qu’on appelle le maille-feu… qui crée de gros problèmes depuis bien avant les inondations et on est au courant de l’évolution des travaux qui vont être faits. Sur la Maillefeu, la rivière du doigt, ce sont des cours d’eau qui posent problèmes. Et on est régulièrement invités aux avancées des travaux et moi étant donné que je connais très bien le problème de la Maillefeu, et que après j’avais du temps, j’ai dit, je me mets à l’association.
Dès sa création, j’y étais déjà et après il y a eu une séparation. Il n’y a plus personne qui s’en est trop occupé et elle a repris une activité… moi je n’étais pas trop disponible parce que je travaillais et on m’a dit « tu peux te mettre avec nous » et on est partis comme ça. Je suis le référent de cette zone là. Tout à l’heure, je vais m’absenter, parce qu’on suit les chasses et on va surveiller pour voir un peu si l’écluse, la remontée des eaux à l’intérieur des terres, ferme bien, s’il n’y a pas de problème et on rend compte obligatoirement au Conseil Général puisque c’est eux le manœuvrant. Donc dans un sens, on avait déjà un regard mais là on va continuer cette association, pour la faire avancer.

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