Par
MAYANE
en rapport à
Pluies diluviennes (Bassin du Lez)
Cet homme, âgé de 67 ans, était bien sympathiquement connu de tous. Oh, certes, il ne devait pas sa notoriété à la fortune et à l’éclat. C’était un pauvre colporteur noir que l’on surnommait affectueusement Blanchette. Quelque peu original, mais à qui personne vraiment n’aurait pu vouloir du mal. Blanchette, philosophe à sa manière, n’avait pas craint de confier son existence à la capricieuse rivière. Il avait construit son logis, ou plutôt sa tanière, carrément à fleur d’eau, sous le pont de Castelnau ; une misérable cabane de bric et de broc où tout simplement il se tenait à l’écoute de l’onde, avec certainement un sens particulier de la poésie et de la nature. On peut imaginer qu’il aimait les petites ondes d’été, sereines et susurrantes ; mais il connaissait bien les grandes ondes d’automne au registre inquiétant, et mon Dieu, il s’en accommodait. Comme d’autres s’endorment avec un pistolet sous l’oreiller par crainte des bandits, lui s’endormait avec un clairon à portée de la main en prévision d’une lézade… Car Blanchette avait mis sa bonne connaissance du fleuve au service de la communauté. Peut-être s’était-il tout exprès établi guetteur du Lez, comme cela, par grandeur d’âme ? En 1933, percevant un grondement sinistre dans le lointain il avait tant claironné que bien des gens sans doute lui avaient dû la sécurité. Et c’est ce bienfaiteur humble et pittoresque, qu’eût certainement aimé Victor Hugo, que le Lez, a lâchement noyé ! Cela semble intolérable et pourtant, qui sait si le brave homme vieillissant n’avait pas rêvé de rendre son âme de cette façon ?
Quoi qu’il en soit, Monsieur Fournier, maire de Castelnau, fera à Blanchette des obsèques émouvantes suivies par une population recueillie. Quelle belle histoire, en vérité, et qui ferait un si beau conte pour les enfants !
On calcule qu’en un jour et demi la rivière a charrié une masse d’eau égale à celle qu’elle écoule ordinairement en un an ! La tannerie de Montferrier a tant souffert qu’il faudra un mois pour la remettre en état ; un mois pendant lequel les vingt cinq ouvriers seront en chômage technique. Cependant la rumeur publique gronde. Elle estime qu’on aurait dû enlever les feuilles mortes encombrant par trop le cours d’eau ; et qu’il conviendrait d’améliorer les lits du Lez et du Verdanson…
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